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20 octobre 2017 5 20 /10 /octobre /2017 01:08

Ça y est... Je suis définitivement passée du côté des ringards...

Quelle déception que ce prodigieux Don Carlos à la Bastille... Je n'ai même pas pu le regarder en entier tant la mise en scène m'empêchait de profiter de ces voix somptueuses (et tellement attendues) et de ces comédiens pourtant irrésistibles... J'ai craqué au troisième acte. Je suis revenue à l'extrême fin, pour assister à l'ultime scène d'amour entre Elisabeth et Don Carlos, ne pouvant que regretter amèrement d'avoir raté un tel partage...

 

Définitivement coulée parmi les vieux ringards, oui... Mais je ne peux pas croire que je sois seule à honnir cette mise en scènes tonitruante où l'oeil est dès le début agressé par d'insupportables projections d'images au symbolisme grossier et décalé, de taches lumineuses à vous rendre épileptique, citations antithétiques ridicules de dégradations cinématographiques que tout restaurateur tente habituellement désespérément de gommer...

 

Oh, ce Don Carlos en pull over blanc à col en V, quelle tristesse, quelle pauvreté visuelle, quelle rétrécissement de perspective...

 

Oh cette Espagne franquiste, quelle banalité, quelle médiocrité intellectuelle...

 

Oh, Cet aréopage de fleurettistes dans une salle de sport, en lieu et place des dames de compagnie de la reine, rendant absurde, comme c'est maintenant l'habitude, le texte des librettistes (les fleurs, les oiseaux...). Honnêtement, à part une masturbation esthétique autour d'une armée de femelles en uniforme blanc, qu'est-ce que cela apporte à l'œuvre musicale?

 

Oh, cette partie de séduction lesbienne vulgaire qui rappelle sans y changer grand-chose une pauvre scène de porno du samedi soir sur chaîne publique... n'étaient les vocalises extraordinaires d'Elina Garanca qui remplacent les habituels halètements bestiaux...

 

Et ce roi d'Espagne fringant, presque plus jeune que son fils, rendant toutes les mentions (nombreuses) à son âge absurdes autant que les fleurettes du dojo, ainsi que la scène avec Rodrigue  ... L'intérêt de masquer la vieillesse du personnage? Encore une subtilité psychanalytique oxymorique?

 

Surtout, surtout détourner, transformer, extrapoler, dévergonder...

Plus de rêve, plus de mystère...

 

Tout doit être fatal, pervers, douteux, tout doit nous ramener à un présent détestable et vulgaire... Le beau (car cela est plutôt beau, en effet, à part ce qui est vraiment trop vulgaire) le beau doit être douloureux, blessant et désespéré.

 

Ces voix... Ces comédiens d'une expressivité sublime, englués dans une boue de modernité vaniteuse... Sans doute, sur place, à la Bastille, bien placé, à 200 euros le fauteuil, c'est un spectacle magnifique. Mais à la télé, il ne reste que cette boue terne, ce vernis intello qui m'empêche de voir, pire d'écouter l'œuvre de Verdi...  Combien je me sens privée... Combien je me sens spoliée...

 

On lira avec amusement la déception en négatif de Sylvie Bonier dans "Le Temps":

https://www.letemps.ch/culture/2017/10/16/un-don-carlos-francais-demiteintes

Où l'on comprendra à quel point je suis ringardisée, puisque cette production si soft de Warlikowski déçoit le monde de la culture pas sa tiédeur...

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14 juin 2016 2 14 /06 /juin /2016 23:53
Rapport de la mairie de Paris

Rapport de la mairie de Paris

Le monde musical et pédagogique s'indigne. Il s'indigne de ce que les rapporteurs de cette mission que personne n'ose remettre en cause mais qui ressemble furieusement à un canon d'inquisition puissent assimiler les professeurs de musique à de dangereux pédophiles suçant l'âme des enfants et dégradant la sexualité fragile des adolescents...

Beaucoup émettent l'idée que cette mise en cause serait un prétexte pour accéler le processus pédagogico-économique qui consiste à remplacer les cours individuels par des cours collectifs à trois ou quatre élèves.

Pour ma part, après avoir discuté depuis longtemps avec nombre de mes collègues rejetant la relation particulière qui s'établit entre les professeurs et leurs élèves - ou entre les élèves et leurs professeurs?- je pense qu'il s'agit réellement de détruire les derniers restes de la tradition discipulaire qui a fondé la pensée et la culture de toutes les civilisations d'Occident, d'Asie et d'Orient...

Et je suis très inquiète.

 

Qu'est-ce qui leur permet de jeter en pâture une artiste de renom? Comme pour rejeter l'argument fantasmé que nous ne vivrions et n'enseignerions que pour rejoindre ou fabriquer des êtres d'exceptions, comme si nous nous réclamions de Robert et Clara Schumann, de Wagner et Marie d'Agout, d'Héloïse et Abélard, de Platon et Socrate, de tout un monde de penseurs et d'artistes exceptionnels aux amours exceptionnelles donc sulfureuses... Et que serait le monde sans ces êtres exceptionnels?

 

Quoiqu'il en soit, bien sûr, ce n'est pas ce que nous vivons...

Qu'est-ce qui dérange dans cette relation individuelle de l'enfant à l'adulte, de l'adulte à l'enfant? Qu'est-ce qui dérange dans ce cheminement commun où celui qui a déjà exploré une partie de vie rejoint celui qui est en train de la découvrir? Qu'est-ce qui pousse à détruire cet unique moment de vérité qui impose à l'adulte une responsabilité qui donne un sens à la vie et offre à l'enfant une référence contre laquelle il pourra s'appuyer pour grandir - et j'emploie à dessein le mot contre, tant il est vrai qu'un enseignement réussi est celui que l'élève peut quitter sans douleur pour continuer de se construire ailleurs.

Pourquoi priver les générations à venir de ce viatique rassurant tout autant qu'exigent qui accompagne nombre d'entre nous jusque dans la vieillesse?

 

L'Amour se décline sous mille formes, du parent à l'enfant, de l'enfant au parent, du frère au frère de la soeur à la soeur et du frère à la soeur et de la soeur au frère, entre les amis et entre les amants, entre les compagnons, de devoir, de guerre, de paix, et du disciple au maître et du maître au disciple... Ces mille formes de l'Amour qui construisent l'humanité.

Il y a quelque chose qui rappelle l'élevage des enfants soldats dans cette obsession de les couper de toute relation individuelle à l'autre.

 

C'est autant priver l'enfant de l'expérience unique d'exister seul pour un seul être, que l'adulte de se refonder sans cesse dans la recherche du meilleur pour chacun de ces jeunes auxquels il a la responsabilité de transmettre son savoir et sa connaissance du monde.

Que restera-t-il à ces vieux sans souvenirs d'un regard, d'une voix, d'un conseil, d'un reproche, d'un mot écrit spécialement pour chacun d'eux dans les partitions?

 

Je pense à tous mes professeurs et je me demande ce que je serais sans leur souvenir, et même, sans la crainte encore de les décevoir... encore... alors même qu'un bon nombre d'entre eux n'est plus. Et ce n'est pas un sentiment désagréable, c'est un moteur, une colonne vertébrale... Un exil aussi, bien sûr, une nostalgie, et pourquoi pas? Si cela me remplit d'Amour?

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 14:02

Est-ce le froid glaciaire contre lequel nous avons du lutter durant le raccord du concert? Je n'avais pas de trac avant d'entrer sur scène et je suis toujours perplexe et méfiante en l'absence de cette... rassurante angoisse! Mais non... Notre nouveau quatuor s'est réuni d'un coup autour de cette oeuvre irrésistible que sont Les sept dernières paroles du Christ en Croix de Haydn.

Dans la très grande église Saint Thomas le public s'était intimement rassemblé sous les feux plutôt ardents des étoiles chauffantes pendues au plafond.

Dès les premiers sons, le quatuor a été saisi de concentration, comme un rôti dans un four chaud! Bien sûr, la perfection n'est pas notre lot (!), mais nous avons senti, tout au long du concert, nos présences converser dans une sorte de bienveillante et dynamique confiance...

J'étais heureuse, quant à moi, de retrouver les moments de conviction musicale et spirituelle dans lesquels me plonge cette oeuvre chaque fois que je la joue en concert et dont j'étais inquiète de ne pas percevoir les prémices lors des répétitions. Ajouté à la lecture du livre "Trois amis en quête de sagesse" et à la conversation avec le jeune vicaire de Saint Thomas qui a lu les paroles pendant le concert,  cela m'inspire une reflexion sur la foi. Les âmes faibles, dont je suis, se plaisent à imaginer que la foi est un soutien infaillible et constant comme l'oxygène dans l'air et qu'elle est juste une grâce pour ceux qui l'éprouvent et dont les autres sont fatalement dépourvus. Mais la foi est peut-être comme ce sentiment qui m'accompagne dans mon compagnonage avec "Les sept paroles...": une lueur qui revient lorsque je fais les efforts nécessaires -et très inquiétants- pour la retrouver. Il faut "fabriquer" l'occasion (chercher, organiser les concerts), travailler mon instrument, retrouver mes marques, mes questions, mes déceptions, rencontrer les musiciens avec qui partager ce voyage... La grâce peut venir à ce moment-là... ou pas...

Les Sept dernières paroles... Introduction (extrait)

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25 octobre 2012 4 25 /10 /octobre /2012 14:47

flute-alors.jpgUne flûte au lit avec un piano, faisant des ronds de fumée (après "l'amour"?) avec une cigarette se consumant dans un vieux cendrier, blôtis dans ce qui ressemble à une chambre d'hôtel... l'image idéale pour un spectacle d'école de musique... Bravo l'Orée de Bercé Belinois! la modernité en marche!

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12 février 2011 6 12 /02 /février /2011 01:03

J'ai réécouté les Prazak.

Je croyais même écouter une autre version que celle que j'avais, car le label avait changé.

J'étais embêtée... un quatuor si talentueux, si prisé. Les mots semblent faibles: les Prazak ont leurs inconditionnels...

Et décidément j'ai retrouvé exactement les mêmes sensations,au point que je suis allée vérifier les dates.

Mais je regrette que soit associé à ma déception mon coup de gueule sur la musique Kleenex: c'est vraiment faire injure à la conviction et à l'engagement musical de ces musiciens.

 

Je m'ennuie dans leur fusion. Je ne suis pas "emportée par la foule" des voix qui me traînent et m'entraînent comme chez les Borodine version 1962... Je n'entends pas toutes ces discussions âpres, amoureuses, enfiévrées, qui m'électrisent dans ma version fétiche... Et puis, je l'avoue, je n'aime pas l'affectation répétitive du violoncelle puis du violon dans le thème du Notturno, ces glissades trop parfaitement reportées de phrase en phrase...

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24 janvier 2011 1 24 /01 /janvier /2011 16:13

affiche Borodine allonnes

J'ai trouvé chez les parents une version des quatuors de Mozart dédiés à Haydn par le quatuor Mélos.

J'ai cru l'écouter en toute objectivité, elle m'a rassuré par sa stabilité, la souple franchise des attaques, ses lignes bien dessinées, ses voix bien réparties, son discours opératique, son refus de toute hâte...

Dans le même temps, mon oreille de début du XXIe siècle fut un peu en manque d'élans, de fusion, de tendresse dans les attaques, de variété dans les couleurs.

À présent, je m'en repais dans la voiture, guettant chaque voix, chaque phrase, chaque groupe d'instruments faisant corps pour répondre ou accompagner. je suis ravie par cette remise en question d'évidences peu à peu installées dans une oreille complaisante.

 

Allez, avouons-le: c'est la version que je connaissais il y a vingt ans... Elle n'a pas quitté la discothèque des parents. Ce sont donc des retrouvailles... Il y a quelquechose d'à la fois revigorant et inquiétant à se retrouver ainsi, à confronter cette oreille mûrie et mon souvenir diaphane, comme de redécouvrir un vieux papier peint qu'on n'aurait pas vu depuis des années. Est-ce beau? Est-ce que j'aime?

Il faudra bien un peu faire confiance à cette oreille qui a certes suivi les modes, mais jamais sans critique. L'eau a passé sous les ponts, je dois pouvoir garder l'essence et adapter un peu la forme...

 

Il n'empêche, je veux retenir cette obstination à ne pas chercher à plaire, à ne pas chercher à retenir l'attention par des artifices surprenants, des élans irrestibles, des phrasés délicieux... il faut de la séduction sans affeterie, de l'émotion mais pas de sensiblerie, de la dynamique sans étourdissement, de l'expression, mais pas d'emphase...

Et du temps, du temps...

 

primheure 6 fevBientôt notre premier concert... Le samedi 26 février à l'église Saint-Martin d'Allonnes (72). La pression monte. Nous avons une sorte de répétition générale en participant aux "Prim'Heures" de Jupilles, ce moment d'échange avec un public curieux: deux heures de répétition publique où nous espérons construire quelques mouvements de notre programme sous les yeux de ceux que cela peut intéresser. La circulation est alors libre, même si elle doit rester discrète. Puis une demi-heure de concert, où nous enchaînerons 3 ou 4 mouvements du programme, pas forcément ceux que nous aurons répétés...

 

Nous tentons pour le moment une nouvelle disposition, qui, sans être rare, n'est pas celle qui nous était familière: le violoncelle et l'alto ont permuté, ce qui met les basses au coeur du quatuor, l'alto face au premier. Pour Yvane, c'est assez destabilisant, d'autant que son instrument se retrouve sonnant vers l'intérieur du quatuor au lieu d'être dirigé vers le public... Pour moi, c'est extrêmement confortable, car j'ai l'impression physique de pouvoir converser avec tout le monde... À suivre...

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20 juin 2009 6 20 /06 /juin /2009 22:41
Le 21 janvier dernier, une proposition de loi a été déposée par 87 député de la majorité, proposant l'abandon du statut de fonctionnaire pour les agents de fonction "non régaliennes" (police, état civil...), au profit des contrats de droit privé. Ceci nous concerne au premier chef et je pense qu'il est temps de nous intéresser d'un peu plus près à tout cela.

Le statut de la fonction publique garantit justement un fonctionnement de nos métiers que ne garantira jamais un contrat toujours révisable (limites d'attributions, limites de temps, évolution de carrière conservée lors des mutations...), ainsi que, malgré tout, une liberté d'expression. Certes, le contractuel a droit au chômage lorsqu'il est "remercié", mais un fonctionnaire est pris en charge par le CNFPT, ce qui lui garantit, là aussi une certaine sécurité, ce qui n'est pas la vertu première de notre métier. L'enseignement artistique doit être garanti par ces protections car il contribue fondamentalement au développement harmonieux de notre société, au bon fonctionnement de notre démocratie. Même (et surtout?) en période de crise, la paranoïaque ou non épée de Damoclès "Europe libérale" ne doit pas être le prétexte utilisé par des gouvernants à courte échéance pour trouver de l'argent sur le dos de la culture... Que reste-t-il de la préhistoire en dehors des peintures rupestres!

Peu d'entre nous sont syndiqués. Si, par ailleurs, nous étions socialement actifs en contribuant l'organisation de notre profession, dans des associations, quelles qu'elles soient, ce ne serait pas un problème. Il ne s'agit pas de faire la révolution -  Il n'y a pas de honte à préfèrer Mozart et Ravel à Robespierre et Marx...- mais de rester vigilants, de peser quand nous le pouvons, d'essayer de ne pas -trop- ressembler à un troupeau de mustangs sauvages et fragiles!

Qui peut croire à un service public vraiment libre et objectif quand ses acteurs sont soumis aux lois du marché et de la politique? Il faut donc en déduire que la transmission de la culture n'est plus une mission de service publique...
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