Ça y est... Je suis définitivement passée du côté des ringards...
Quelle déception que ce prodigieux Don Carlos à la Bastille... Je n'ai même pas pu le regarder en entier tant la mise en scène m'empêchait de profiter de ces voix somptueuses (et tellement attendues) et de ces comédiens pourtant irrésistibles... J'ai craqué au troisième acte. Je suis revenue à l'extrême fin, pour assister à l'ultime scène d'amour entre Elisabeth et Don Carlos, ne pouvant que regretter amèrement d'avoir raté un tel partage...
Définitivement coulée parmi les vieux ringards, oui... Mais je ne peux pas croire que je sois seule à honnir cette mise en scènes tonitruante où l'oeil est dès le début agressé par d'insupportables projections d'images au symbolisme grossier et décalé, de taches lumineuses à vous rendre épileptique, citations antithétiques ridicules de dégradations cinématographiques que tout restaurateur tente habituellement désespérément de gommer...
Oh, ce Don Carlos en pull over blanc à col en V, quelle tristesse, quelle pauvreté visuelle, quelle rétrécissement de perspective...
Oh cette Espagne franquiste, quelle banalité, quelle médiocrité intellectuelle...
Oh, Cet aréopage de fleurettistes dans une salle de sport, en lieu et place des dames de compagnie de la reine, rendant absurde, comme c'est maintenant l'habitude, le texte des librettistes (les fleurs, les oiseaux...). Honnêtement, à part une masturbation esthétique autour d'une armée de femelles en uniforme blanc, qu'est-ce que cela apporte à l'œuvre musicale?
Oh, cette partie de séduction lesbienne vulgaire qui rappelle sans y changer grand-chose une pauvre scène de porno du samedi soir sur chaîne publique... n'étaient les vocalises extraordinaires d'Elina Garanca qui remplacent les habituels halètements bestiaux...
Et ce roi d'Espagne fringant, presque plus jeune que son fils, rendant toutes les mentions (nombreuses) à son âge absurdes autant que les fleurettes du dojo, ainsi que la scène avec Rodrigue ... L'intérêt de masquer la vieillesse du personnage? Encore une subtilité psychanalytique oxymorique?
Surtout, surtout détourner, transformer, extrapoler, dévergonder...
Plus de rêve, plus de mystère...
Tout doit être fatal, pervers, douteux, tout doit nous ramener à un présent détestable et vulgaire... Le beau (car cela est plutôt beau, en effet, à part ce qui est vraiment trop vulgaire) le beau doit être douloureux, blessant et désespéré.
Ces voix... Ces comédiens d'une expressivité sublime, englués dans une boue de modernité vaniteuse... Sans doute, sur place, à la Bastille, bien placé, à 200 euros le fauteuil, c'est un spectacle magnifique. Mais à la télé, il ne reste que cette boue terne, ce vernis intello qui m'empêche de voir, pire d'écouter l'œuvre de Verdi... Combien je me sens privée... Combien je me sens spoliée...
On lira avec amusement la déception en négatif de Sylvie Bonier dans "Le Temps":
https://www.letemps.ch/culture/2017/10/16/un-don-carlos-francais-demiteintes
Où l'on comprendra à quel point je suis ringardisée, puisque cette production si soft de Warlikowski déçoit le monde de la culture pas sa tiédeur...